Il ne faut pas s’habituer au pire, il faut le combattre
Le texte ci-dessous reprend de larges extraits du discours d’accueil prononcé par le Président du Consistoire M. Joël Mergui lors de la présentation des vœux du Premier Ministre M. Édouard Philippe à la communauté juive, le 2 octobre 2017 à la synagogue Buffault, pour la nouvelle année 5578.
« Monsieur le Premier Ministre,
[…] Les attentats terroristes, les actes antisémites perçus pendant 15 ans comme de banals faits divers, les tentatives de redéfinir la laïcité et le sentiment de n’être pas compris de nos concitoyens ont remis la communauté juive en mouvement.
Si les chiffres de l’Alya sont en baisse, ils restent néanmoins élevés, c’est pourquoi il est important d’en comprendre les raisons et de saisir les attentes des Juifs de France qui veulent rester Juifs et Français … en France.
J’ai plusieurs fois employé les mots d’inquiétude et de malaise de notre communauté, mais pour autant nous refusons le statut de victimes car nous avons toujours été, partout, des bâtisseurs de patrimoine, celles et ceux qui ont construit le plus grand patrimoine juif d’Europe en France.
Comme hier, les Juifs français continuent de porter de nombreux projets qui nécessitent seulement que l’on croie en nous, que l’on investisse concrètement en nous, en ayant à l’esprit l’image, non pas d’une communauté inquiète privée d’avenir qu’il faut seulement rassurer et sécuriser, mais celle d’une communauté vivante et dynamique qui va de l’avant avec confiance et qui refuse de laisser à ceux qui nous haïssent le soin d’écrire notre propre destin.
La barbarie islamiste, nouveau fléau de ce siècle, ne cesse de tuer, augmentant chaque jour le nombre de victimes, plus vite que nous ne pouvons retenir leur nom et pourtant, nous pensons à elles ce soir, à toutes les victimes, sans exception. Comme nous pensons aussi à Sarah Halimi sauvagement assassinée parce qu’elle était juive et pour qui nous nous sommes battus durant 5 longs mois, pour faire reconnaitre la vérité sordide et cruelle du mobile antisémite,
Une haine qui se nourrit aussi des préjugés antisémites à l’œuvre chez les agresseurs de notre ami Roger Pinto et de sa famille, avec nous ce soir.
L’antisémitisme est un symptôme qui ne trompe jamais mais qui prospère grâce à l’indifférence, l’ignorance, le déni, la jalousie et la calomnie.
Jamais dans notre histoire, malgré la haine et les épreuves, nous n’avons trahi la confiance de la France.
Une confiance qui nous a parfois été très mal rendue, comme le président de la République l’a courageusement rappelé en rendant hommage à la figure exceptionnelle de Simone Veil et vous-mêmes, à son père, à Tallinn.
Tant de haine, de supposés « problèmes juifs » pourtant il n’y a pas de « problème juif, » il n’y a pas non plus de problème d’orthodoxie juive incompatible avec les lois de la République laïque.
Aucun porteur de kippa n’a jamais menacé ni même remis en cause l’ordre public. […]
L’histoire de ces dernières années montre hélas à nouveau que lorsque les Juifs sont menacés, c’est toujours l’avant-poste de nos sociétés qui est atteint.
Souvenons-nous des Juifs d’Orient dont l’exil hier, dans le silence des nations, a sonné l’alarme de l’exode aujourd’hui des chrétiens d’Orient.
Souvenons-nous, en présence de Samuel Sandler toujours digne, de la tragédie d’Ozar Hatorah.
Le procès qui s’ouvre aujourd’hui, doit nous rappeler la faible prise de conscience de notre société après le dévoilement, le 19 mars 2012, du nouveau fléau de notre temps : l’islamisme radical.
Souvenons-nous des soldats de Montauban et de Toulouse assassinés, eux aussi, soi-disant, par un loup solitaire, un déséquilibré, ou un de ces damnés de la terre à qui il faut absolument accorder des circonstances atténuantes.
Pourquoi ?
Il faut s’alarmer lorsque les sentinelles sonnent l’alerte !
Il faut s’alarmer quand les synagogues doivent être protégées car elles annoncent les patrouilles dans la rue de milliers de policiers et de militaires pour nous protéger tous, au prix de leur vie, et nous leur en sommes infiniment reconnaissants !
Il ne faut pas s’habituer au pire, il faut le combattre.
Il faut aussi refuser de croire que les islamistes qui tuent en Occident des innocents … sont des antisionistes, lorsqu’ils tuent des Juifs ou des Israéliens.
Il est enfin temps d’admettre que Tel Aviv ou Jérusalem – où ont commencé les premières attaques suicides à la voiture bélier ou au couteau – soient citées comme les victimes de la même haine qui tue à : Barcelone, Berlin, Bruxelles, Londres, New-York, Nice, Ouagadougou, Paris, Saint-Pétersbourg Tunis, Toulouse ou Marseille hier et probablement Las Vegas aujourd’hui.
Il faut accepter qu’Israël soit, comme le reste du monde, victime du même terrorisme islamiste qui cherche à imposer partout – et pas seulement au Moyen-Orient – la dictature de ses lois mortifères.
Je veux compter sur la France pour que les instances internationales préservent sans faiblir, dans leur propre intérêt, le lien éternel du peuple juif avec Israël, Jérusalem sa capitale et son histoire.
N’est-il pas temps que les nations comprennent enfin qu’Israël est un État sentinelle et qu’à le délégitimer aujourd’hui, elles risquent à leur tour d’être spoliées de leur héritage et de leur histoire.
Ce n’est pas en refusant d’accepter le diagnostic du cancer, que l’on évite les métastases et qu’on soigne une telle maladie !
Il faut défendre ce à quoi l’on tient, il faut être fidèle à la démocratie, à ses idéaux, à ses valeurs, à son pays, à soi-même. […] Car, notre pays ne serait plus fidèle à sa devise républicaine, au modèle de société ouverte et libre qu’il a donné au monde moderne si les Juifs quittaient la France parce qu’ils ne pourraient plus vivre ni s’épanouir comme des Juifs français à part entière.
[…] L’engagement de nos grands mécènes est un exemple de leur œuvre de bâtisseurs mais aussi l’illustration que notre communauté n’a jamais rien considéré comme dû et toujours placé ses devoirs devant ses droits et s’est toujours tournée vers l’avenir pour le construire en actes, plus qu’en vaines paroles. […]
Prêtez l’oreille à l’alarme de vos sentinelles en première ligne.
Ne les laissez pas sans protection, ni sans soutien pour leurs projets de vie et d’avenir. »