Par Caroline Politi
20 Minutes (16/05/2017)
L’attentat contre l’épicerie casher de Sarcelles, début d’une enquête tentaculaire
Ce mardi, la cour d’assises spéciale se penche sur le premier attentat de la cellule dite de « Cannes-Torcy » contre une épicerie casher de Sarcelles…
- La cour d’assises spéciale se penche sur l’attentat de Sarcelles, perpétré en septembre 2012.
- L’attentat n’avait pas fait de blessés grave mais il avait mis à jour l’existence de la cellule dite « Cannes Torcy ».
- Jérémie Louis-Sidney, le leader de la cellule, est mort lors de son interpellation après avoir tiré sur des policiers.
L’attaque, filmée par les caméras de vidéosurveillance, ne dure qu’une poignée de secondes. Le 19 septembre 2012, aux alentours de 12h30, deux hommes, sweat à capuche sombre sur la tête, longent à grand pas les baies vitrées d’une épicerie casher de Sarcelles, dans le Val-d’Oise. Arrivés devant l’entrée, ils dégoupillent une grenade de fabrication yougoslave et la jettent à l’intérieur avant de prendre la fuite en courant. L’explosion est impressionnante, les flammes atteignent près d’un mètre de haut, les vitres volent en éclat. L’arme, qui contient des milliers de billes métalliques, est hautement létale, mais ne fera ce jour-là, qu’un blessé léger. Et pour cause : elle est venue se loger dans une rangée de caddies qui a contenu les effets de l’explosion.
Ce mardi, près d’un mois après l’ouverture du procès devant la cour d’assises spéciales, la cour en charge du tentaculaire dossier « Cannes-Torcy » se penche sur ce premier attentat, dont la nature antisémite ne fait guère de doute, point de départ de toute l’enquête. Trois autres attaques, qui ont toutes échoué ou ont été déjouées, devaient suivre. Le procureur de la République, François Molins, avait à l’époque désigné la filière comme « le groupe le plus dangereux depuis la vague d’attentats en France au milieu des années 1990 ». C’était avant Charlie, le 13 Novembre, Magnanville, Nice…
Un leader « charismatique » et « violent »
La cellule est unie autour d’un leader « aussi charismatique que violent », Jérémie Louis-Sidney, 33 ans à l’époque, surnommé Anas. Son ADN a été retrouvé sur la grenade de l’épicerie. Bien connu des services de police, condamné pour trafic de stupéfiants et vols aggravés, il se serait radicalisé en 2008, à Grasse, lors d’un séjour en prison. « C’était une sorte de chef de meute […], il avait des discours extrêmes, il avait la haine des juifs », racontera plus tard aux policiers l’un des accusés, Michaël.M. Ses proches, mis en examen compris, le décrivent comme « un fanatique virulent et dangereux prêt à passer à l’acte au nom de ses convictions religieuses », précisent les juges d’instruction dans leur ordonnance. Il ne se sépare d’ailleurs jamais de son arme, un 354 Magnum qu’il garde accroché à la ceinture.
Jérémie Louis-Sidney vit entre Torcy, d’où il est originaire, Le Cannet où réside sa première femme – mère de trois de ses quatre enfants – et Strasbourg où habite la seconde. Il ne fait guère mystère de ses convictions. Avec cette dernière, il envisage un temps d’appeler leur enfant « Moudjahidin » avant de se raviser.
Tué par le GIPN
Mais le leader de la cellule ne sera pas sur le banc des accusés :il a été tué le 6 octobre 2012 par le GIPN de Strasbourg après avoir ouvert le feu sur les policiers venus l’interpeller. Lors de la perquisition, les enquêteurs ont retrouvé, outre son arme, de la documentation djihadiste et destinée à confectionner des armes. Son fidèle lieutenant, Jérémy Bailly est en revanche présent. Les deux hommes se sont rencontrés en 2011 à la mosquée de Torcy. Cet ancien témoin de Jéhovah s’est converti en 2009. Il est suspecté d’être le second homme présent sur les images de surveillance. Un troisième homme Kevin Phan a reconnu devant les enquêteurs avoir joué les chauffeurs.
Ils feront face aux victimes de l’attaque. Si aucune des cinq personnes présentes à l’intérieur de l’établissement au moment de l’attentat n’a été sérieusement blessée, tous ont été victimes de troubles du sommeil, crises d’angoisse, cauchemars… « En général, il n’y a jamais deux attentats au même endroit, mais je ne peux pas m’empêcher d’y penser. J’ai toujours peur », confiait aux enquêteurs la gérante de l’épicerie. Une cliente racontait que son entourage avait remarqué que son humeur avait changé, « j’étais plus triste et moins attentive ». Quant à son mari, il se réveille toutes les nuits en sursaut. « J’ai des nuits hachurées […]. Mon sommeil ne me repose pas. »
Le procès est prévu pour durer jusqu’au 23 juin.
Source : 20 Minutes