prison
Par la rédaction / AFP
Le Monde (23/06/2017)
Vingt personnes étaient jugées pour un attentat à la grenade à Sarcelles en 2012, des projets d’attaque et des séjours en Syrie.
La cour d’assises spéciale de Paris a prononcé jeudi 22 juin deux acquittements et des peines allant d’un à vingt-huit ans de prison à l’encontre des accusés de la filière djihadiste dite de Cannes-Torcy, pour un attentat à la grenade à Sarcelles en 2012, des projets d’attaque et des séjours en Syrie.
Le verdict est tombé juste après la rupture du jeûne du ramadan, à l’issue de douze heures de délibéré, dans une salle surchauffée. À l’énoncé des peines, largement inférieures aux réquisitions, les accusés semblaient soulagés. Aucun de ceux ayant comparu libres n’iront en détention.
Ces vingt membres présumés de la filière de Cannes-Torcy, un temps considérée comme une des plus dangereuses de France, comparaissaient depuis le 20 avril. L’accusation, qui les croyait « prêts à recommencer »,avait demandé des « peines exemplaires », allant jusqu’à la perpétuité pour Jérémy Bailly, l’auteur présumé d’un attentat raté en 2012.
Epicerie casher
En l’absence du chef, tué lors de son interpellation, c’est à lui que la peine la plus lourde a été infligée. Il a été jugé coupable d’avoir lancé une grenade dans l’épicerie casher de Sarcelles (Val-d’Oise) le 19 septembre 2012, miraculeusement sans faire de mort. Un attentat auquel il nie avoir participé.
Ostracisé par les autres accusés pour avoir dénoncé Bailly, Kevin Phan, le chauffeur de l’équipée de Sarcelles et benjamin du groupe, a été condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle – vingt-cinq ans avaient été requis.
Des peines de quatorze à vingt ans de réclusion ont été prononcées à l’encontre des « Syriens » de la bande, la peine la plus lourde étant infligée à Ibrahim Boudina, qui a passé seize mois en Syrie et qui était selon l’accusation « revenu pour commettre un attentat » sur la Côte d’Azur. Jamel Bouteraa, qui n’a passé qu’un mois en Syrie, mais est accusé d’avoir « fait des repérages en vue d’une attaque contre des militaires », a été condamné à dix-huit ans.
Zyed Tliba, ancien militaire qui avait gardé des liens avec son frère Abdelkader, condamné à quatorze ans pour un séjour en Syrie, et Nizar Jabri, qui avait fréquenté la bande des Cannois, ont été acquittés.
La plus petite peine de prison, d’un an, a été prononcée contre Sofien Hamrouni, qui avait conduit deux de ses copains qui partaient vers la Syrie à l’aéroport : « Une peine symbolique » pour son avocate Alexia Gavini, « qui tient compte de son parcours et de sa stabilité ».
Diversité des profils
Plusieurs avocats estimaient jeudi soir que la cour avait tenu compte de la diversité des profils de ces vingt hommes, issus de familles aisées ou ouvrières, originaires d’Algérie, du Laos ou de France, dont la moitié sont des convertis.
Avant que la cour ne se retire pour délibérer, la parole avait été donnée jeudi matin une dernière fois aux accusés, âgés de 23 à 33 ans, dont dix comparaissent détenus et sept libres (trois sont en fuite) : « Mettre une peine pharaonique à une personne, c’est en faire un dissident, un haineux », a soufflé Jérémy Bailly entre deux sanglots.
Plusieurs se sont excusés pour leur « comportement dans le box », pour avoir parfois ri, bavardé. Ils ont appelé la cour à se garder de toute « passion », alors que trois attentats ont été commis en France depuis le début du procès le 20 avril. La défense avait aussi exhorté la cour à ne pas juger « dans la peur », à s’arrimer au code pénal pour rendre « la justice »et ne pas partir « en croisade ».
Trois ans avant les attentats parisiens de 2015, cette cellule était considérée comme une des plus dangereuses de France. À l’audience, elle a été décrite par les enquêteurs comme « le chaînon manquant » entre le djihadiste toulousain Mohamed Merah et le réseau qui allait frapper la salle de spectacles du Bataclan.
L’attentat de Sarcelles, un crime antisémite et leur principal fait d’armes, n’a pas fait de mort « mais l’intention était bien de tuer », avait fait valoir l’avocat général Philippe Courroye, fustigeant l’apparente désinvolture de certains accusés, signe selon lui d’une « radicalité » toujours intacte.
Source : Le Monde