Par La Rédaction
Le Figaro (13/02/2016)
Toujours emprisonné à la prison de Condé-sur-Sarthre, le « cerveau du gang des Barbares », Youssouf Fofana, aurait promis de fêter à sa manière les dix ans de la mort d’Ilan Halimi.
Le 13 février 2006, Ilan Halimi était retrouvé entre la vie et la mort le long de la voie ferrée, près de Sainte-Geneviève-Des-Bois. Le jeune homme, juif, décédera avant d’arriver à l’hôpital. L’otage aura été séquestré et torturé 24 jours durant dans une cité de Bagneux. Appâts, ravisseurs, geôliers: 27 personnes seront accusées d’avoir participé d’une manière ou d’une autre au destin tragique d’Ilan Halimi. En 2009 puis 2010, des verdicts allant de la prison à perpétuité jusqu’à l’acquittement ont été prononcés. Dix ans après les faits, que sont devenus les principaux membres du gang des barbares ?
Ingérable, Youssouf Fofana entend marquer le coup
«Youssouf Fofana a récemment promis qu’il allait fêter à sa manière les dix ans de la mort d’Ilan Halimi», déclare au Figaro une source pénitentiaire. «Il y a eu des craintes il y a quelques jours mais il va certainement chercher à faire parler de lui dans peu de temps.» Dix ans après, Youssouf Fofana fait toujours figure de détenu incontrôlable. Le «cerveau du gang des Barbares» purge une peine de prison à perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe.
Le détenu sort d’une longue période en quartier disciplinaire, où il est resté huit mois à sa demande. Dans la prison la plus sécurisée du pays, il s’est signalé par l’agression de deux surveillants en décembre 2013 et février 2014 pour lesquels il a été condamné à quatre ans de prison supplémentaires. Il a depuis récidivé. Youssouf Fofana s’était déjà illustré en 2012. Il s’était filmé à l’intérieur de la prison de Clairveaux, où il était précédemment détenu. Dans la quinzaine de vidéos postées sur YouTube, il développait son habituelle rhétorique antisémite et islamiste qui lui vaudra sept ans supplémentaires pour «apologie du terrorisme».
Le prisonnier a peu de contact avec le monde extérieur. Sa mère ne lui rendrait que très rarement visite. Au cours de sa détention, il s’est pacsé avec une détenue de la prison de Rennes, condamnée dans la même affaire. L’administration pénitentiaire leur permettait de communiquer régulièrement. Seulement, depuis que la jeune femme a été libérée, elle ne lui aurait plus donné de nouvelles. Youssouf Fofana reçoit néanmoins du courrier de la part de certaines admiratrices.
En liberté, l’« appât » cherche à se faire oublier
Emma A. est celle qui avait servi d’«appât» et attiré Ilan Halimi dans le traquenard qui lui a coûté la vie. La jeune femme est sortie de prison en septembre 2012 au bénéfice d’une libération conditionnelle. Âgée de 17 ans au moment des faits, elle avait été condamnée à neuf ans de prison. Enrôlée par Youssouf Fofana, elle affirmait lors du procès ne pas connaître le sort tragique qui allait être réservé à la victime. Emma a écrit depuis sa cellule à la famille Halimi une lettre pour regretter son geste.
Sa détention a été chaotique. Quelques semaines après son incarcération, la jeune femme a subi un avortement et elle fera derrière les barreaux plusieurs tentatives de suicide. En 2007, Emma est transférée à la maison d’arrêt pour femmes de Versailles. Là, le directeur Florent Gonçalves s’éprend d’elle. «Emma», qui devient pour ses codétenues la «directrice», aurait tiré de cette relation certains privilèges. L’affaire s’évente. Emma est ensuite transférée à Fresnes. Reconnue coupable de recel, elle est condamnée en correctionnelle à huit mois de prison ferme, assortis de quatre mois avec sursis.
Aujourd’hui, cette histoire d’amour en prison vient elle aussi la rattraper, puisqu’un film, inspiré du livre de François Gonçalves, sortira début mars dans les salles.
Seuls quelques lieutenants de Fofana resteraient en prison
Comme «Emma», la plupart des «ex-barbares» ont recouvré leur liberté. Condamné à 11 ans de prison, Yahia Touré Kaba, un des geôliers d’Ilan Halimi pendant 18 jours, a par exemple été relâché fin 2014. Il a immédiatement fait l’objet d’une procédure d’éloignement du territoire pour trois ans et a été reconduit dans son pays d’accueil, la Guinée. Gilles Serrurier était sorti de prison deux ans plus tôt. Condamné à dix ans de réclusion, le gardien d’immeuble avait fourni les clés de la chaufferie qui a servi de salle de torture.
Seuls quelques lieutenants de Ioussouf Fofana seraient toujours en prison. Condamné à 18 ans, Jean-Christophe Soumbou, le ravisseur du jeune Juif, est lui emprisonné à Réau en région parisienne. Samir Aït Abdelmalek purge une peine de 15 ans de réclusion à Fleury-Mérogis. Présenté comme le logisticien du groupe, il avait tailladé la joue de l’otage d’un coup de cutter. Jean-Christophe, dit «Zigo», a lui aussi été condamné à 15 ans de prison. Mineur à l’époque, l’un des tortionnaires les plus zélés avait entre autres écrasé une cigarette sur le front d’Ilan Halimi.